Afrique de l'ouest : la CEDEAO tente d'avancer dans la
mise en œuvre d'une politique agricole commune
Après
la réunion des chefs d'Etat et gouvernement de la CEDEAO du 17 mai 2002 à Yamoussoukro
et l'atelier de formation sur les politiques agricoles et d'information
sur le NEPAD (28-30 avril 2004), un atelier national de concertation sur
la politique agricole de la CEDEAO s'est tenu à Dakar du 3 au 5 novembre
dernier pour réfléchir sur les possibilités d'harmonisation des politiques agricoles
en vigueur dans l'espace communautaire.
L'engagement
de la CEDEAO dans plusieurs processus de négociations, en particulier la
négociation d'un Accord de Partenariat Economique (APE) avec l'Union
européenne, exige une rationalisation de sa démarche en en oeuvrant au
préalable pour l'harmonisation des marchés, des réglementations et
des politiques publiques au sein de l'espace. C'est pourquoi, une politique
agricole commune devrait définir, selon M. Thierno Mademba GAYE, Directeur
de cabinet du ministre de l'agriculture du Sénégal, « les principes et les
objectifs assignés au secteur agricole, l'orientation du développement
agricole et les domaines d'intervention». Les objectifs de la PAC,
devraient selon lui, être orientés vers «la sécurité alimentaire durable
des pays membres de la CEDEAO, la rémunération décente aux actifs
agricoles et l'expansion durable des échanges tant du point de vue de la
sous région que dans le reste du monde».
Pour
sa part, le représentant de la CEDEAO, Monsieur Yamar Mbodj a considéré
«qu'à partir des positions et des contributions des pays et des acteurs,
la CEDEAO dégagera l'option la plus fédératrice des attentes et des
intérêts de la région «. Il a souhaité par ailleurs que la rencontre de
Dakar participe à la réduction de la pauvreté et assure le développement
durable, piliers essentiels des objectifs du NEPAD.
Le
plan d'action qui a été établi préconise l'établissement d'un document de
base incluant un diagnostic régional du secteur agricole, une
identification des principales opportunités, défis, principes et enjeux.
La finalisation du projet de document et sa présentation aux instances de
validations de la CEDEAO sont prévues pour début 2005. D'ici là, un
atelier où prendront part différents acteurs régionaux d'organisations
socioprofessionnelles, organisations d'intégration et de coopération
régionale, administrations nationales des 15 pays membres de la
CEDEAO dans les secteurs agricoles entres autres, sera organisé pour
discuter des priorités, des domaines d'intervention, des instruments
de politiques agricoles mobilisés et des modalités de financements.
Pour
les organisateurs, le succès de cette politique dépendra de la mise en
place d'un véritable marché commun, de l'unicité du marché dans la
suppression des barrières douanières et de l'unicité des prix dans
l'instauration de mécanismes régulateurs.
Risque de collusion avec la Politique Agricole de l'UEMOA (PAU)
Si
l'initiative de la CEDEAO peut présenter des avantages, on pourrait tout
de même se demander si sa PAC ne risque pas de faire double emploi avec la
Politique Agricole de l'UEMOA qui a déjà mis en œuvre un projet semblable.
La PAU a été créée depuis août 1999 et les objectifs dégagés sont les
mêmes. Seul l'espace géographique d'application de ces politiques diffère
de peu. En effet, la PAU se déploie dans un espace francophone plus
restreint que la PAC de la CEDAO.
On
craint ainsi un mimétisme qui ne serait pas pratique en termes de coût et
de temps alloués au nouveau projet. Il eût été certainement plus pratique
que la CEDEAO travaille plus étroitement avec l'UEMOA en vue d'identifier
une possible joint venture dans la définition des orientations et de la
mise en oeuvre d'une politique agricole commune. Ce faisant, la
CEDEAO pourrait tirer profit aussi de la position de i'UEMOA qui est
dans l'attente de la confirmation de son statut d'observateur à l'OMC et
profiter de son expérience dans l'élaboration de positions communes à la
sous région dans les négociations commerciales multilatérales.
Pour
rappel, l'UEMOA a été créée en 1994, en remplacement de l'Union Monétaire
Ouest Africaine (UMOA). C'est une organisation sous régionale qui compte
huit pays membres: le Bénin, le Burkina Faso, la Cote d'Ivoire, la Guinée Bissau,
le Niger, le Mali, le Sénégal et le Togo. Elle vise l'unification
des espaces économiques nationaux ayant l'usage d'une monnaie commune
qui est le franc CFA. Elle a pour but la convergence des politiques
économiques ainsi qu'une véritable intégration des économies des pays membres.
Sur le plan commercial, ses desseins s'apparentent à ceux de la CEDEAo, au
moins dans leurs déclinaisons.
La société
civile se penche aussi sur la politique agricole
Concomitamment
à l'atelier de la CEDEAO, le Forum du tiers- monde, organisation mettant
en réseau une grande pluralité de compétences et oeuvrant dans la
recherche d'alternatives en faveur des pays du Sud, a organisé une
rencontre sur le thème : « la nouvelle question agraire :avenir des
agriculteurs et des sociétés paysannes en Afrique de l'ouest».
A
cette occasion , intervenant sur la question de la PAC de la CEDEAO, Samir
Amin a noté que celle-ci devrait permettre de soutenir l'option en faveur
d'une économie paysanne et d'un développement des économies paysannes pour
les pays membres de la CEDEAO. Dans un contexte marqué par la
mondialisation, une PAC de la CEDEAO, même si elle est la bienvenue, n'est
pas cependant sans présenter des inquiétudes notamment par rapport aux
importations agricoles venant des pays du Nord et du Sud avec des prix de
dumping, lesquels concurrencent déloyalement les produits agricoles
locaux. Sous ce registre, certains intervenants ont mis en garde la CEDEAO
et la PAC contre l'erreur de l'UEMOA avec son tarif extérieur commun
(TEC).
Quelque
que soit le schéma qui guidera la PAC de la CEDEAO, force est de
reconnaître que celle-ci doit être compatible avec les règles de l'OMC en
particulier avec l'accord sur l'agriculture qui traite de l'accès aux
marchés, du soutien interne à la production, de la concurrence à
l'exportation et du traitement spécial et différencié.
Sources : Passerelles – Vol. V No 5 – Novembre-décembre 2004